Le blog de Jean Blavier

La bourse ou la vie ? Mais la Bourse, C’EST la vie ! par J.Blavier

<b>La bourse ou la vie ? Mais la Bourse, C’EST la vie !</b> par J.Blavier
17/05/2019

Il y a peu d’activités humaines où le rationnel et l’émotionnel sont aussi imbriqués qu’en Bourse. On pourrait peut-être comparer avec la santé, les médecins généralistes surtout étant régulièrement confrontés aux méfaits de l’association ravageuse entre soma et psyché. D’ailleurs, ne dit-on pas de la médecine que c’est un art ? N’en déduisez pas que la Bourse serait elle aussi un art – encore que ça se discute, certains experts disent que la Bourse est l’art… de ne rien faire, ce qui n’est jamais qu’une autre manière de dire qu’à long terme la Bourse est toujours gagnante.

Soma et psyché ?

Prenons l’exemple de la séance boursière du 13 mai dernier à Wall Street. Titres de la presse : « pire séance de l’année » avec un recul de 2,30 % pour le Dow Jones. Le lendemain, rebond de 0,82 %, ce qui est beaucoup lorsqu’on compare à la raclée reçue la veille. Que s’était-il passé le 13 mai ? Rien de bien important sur le plan économique, mais un tweet de Donald Trump. Un tweet sur un nouvel épisode de l’enjeu mondial que constitue la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine. Un tweet et – 2,38 % pour le Dow Jones, suivi par un message à la presse : « les négociations avec la Chine se poursuivent ». On croit rêver. Pourtant, c’est du vécu et cela fait immanquablement penser à ce qui arrive dans la vie des entreprises. Une mauvaise nouvelle, du genre un gros client qui donne des signes d’énervement et menace de s’en aller, on déprime. Un simple coup de fil rassurant au client concerné, et hop ça repart.

On ne cesse d’aller d’étonnement en étonnement avec ce président américain dont les multiples tweets font la pluie et le beau temps en Bourse. La presse américaine a fait le compte : en 2017 et 2018, Donald Trump a envoyé 5.500 tweets à ses 56 millions de followers. Y compris ce message abracadabrant le soir du 24 décembre dernier que rapporte le quotidien français Le Monde : « je suis tout seul (pauvre de moi) à la Maison Blanche ». Il n’y a pas que la Bourse, le tweet aussi peut être révélateur de ce qu’est la vraie vie !

Plus largement, la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine présente un caractère rationnel que les analystes peuvent calculer : l’impact de la hausse des taxes à l’importation et des tarifs douaniers de part et d’autre peut être estimée. Mais ce qui ne peut être estimé, c’est le fait sous-jacent relevé par plusieurs experts : les Etats-Unis, première puissance mondiale, ne peuvent accepter que la Chine, n° 2, se rapproche avec l’ambition de prendre le leadership. Surtout quand on sait que ses dirigeants ont les mains beaucoup plus libres. Le Pr Paul Degrauwe (London School of Economics) a dit à peu près ceci l’autre soir sur les ondes de la VRT : « s’ils doivent mener une politique qu’ils jugent stratégique, par exemple une politique climatique, mais que cette politique a un effet négatif sur leur population, les dirigeants chinois peuvent le faire. Dans une démocratie comme les Etats-Unis, c’est beaucoup difficile ». Allez mettre ça en graphiques ! 

La Bourse a aussi cette autre caractéristique que l’on retrouve dans la vie de tous les jours :

l’effet grossissant des informations négatives ou présentées comme telles. Quand on lit dans le baromètre mensuel de Bank of America Merrill Lynch que 37 % des gestionnaires d’actifs placent le différend commercial entre les Etats-Unis et la Chine comme la pire menace pour les places boursières, qui à la lecture de ce chiffre comprend tout de suite que pour 63 % de ces mêmes gestionnaires d’actifs la rivalité sino-américaine n’est PAS la pire menace pour la Bourse ? Notre cerveau est ainsi fait, écrit Idriss Aberkane dans son best-seller « Libérez votre cerveau ». Nous n’avons qu’un seul cerveau qui pilote nos investissements boursiers et notre vie quotidienne.