Le blog de Jean Blavier

« Sell in may and go away ». J’espère que vous ne l’avez pas fait! par J.Blavier

<b>« Sell in may and go away ». J’espère que vous ne l’avez pas fait! </b>par J.Blavier
22/07/2019

Il y a sur le marché boursier autant de réactions émotionnelles que de calculs rationnels. A moins d’être génial, de disposer d’une boule de cristal ou de bénéficier de ces deux atouts, la seule manière de réduire la composante émotionnelle est de tabler sur la durée. L’investissement en Bourse est une affaire de longue haleine et, pour ne prendre que le cas le plus connu, ce n’est pas Warren Buffett qui prétendra le contraire. La bonne stratégie, c’est bien choisir et, autant que possible, conserver. Tant que la confiance règne. C’est donc tout le contraire de « sell in may and go away ».   

D’où vient cet aphorisme ? 

Ce n’est pas d’une forte densité intellectuelle, mais par les temps qui courent un peu de légèreté ne peut faire de mal. L’origine de l’adage est d’une désespérante banalité : l’été, le business tourne au ralenti. Donc en principe la Bourse aussi, que ce soit Wall Street ou Euronext Bruxelles. En principe.

Le quotidien financier L’Echo a publié, fin mai dernier (1), un article au contenu étonnamment intéressant pour un « marronnier » (2) qui reprend, entre autres, la version belge du fameux dicton boursier : « vendre au mois de mai et revenir après la foire du Midi », donc après le 15 août.

En fait, le véritable adage est « sell in may and go away, buy again on St Leger day ». La Saint-Léger étant le 2 octobre, la comparaison entre la version originelle et la version belge nous donne l’opportunité, à nous, citoyens du plat pays, de retourner en Bourse six semaines plus tôt. Pourquoi une opportunité ? Parce que, comme le dit le trader français Benoist Rousseau, « il ne faut jamais suivre les moutons. Les moutons, on les tond ». Avant de développer : « suivre aveuglément la majorité des investisseurs n’est pas toujours une bonne idée, vous pouvez rater de bons investissements ou suivre une tendance qui va droit dans le mur ».

Si on résume, deux constats se superposent : vendre en mai c’est s’aligner sur le ralentissement économique du cycle saisonnier naturel et, comme il faut hélas le craindre, c’est aussi suivre les moutons. Dans les deux cas, c’est une erreur. Parce qu’il ne faut jamais suivre les moutons et, surtout, parce que la décélération saisonnière de l’été ne va pas forcément de pair avec un tassement des cours boursiers.

C’est l’occasion de revenir sur une charmante historiette qui circule dans le landerneau boursier. Elle est intitulée « Le promeneur et son chien ». Le promeneur, en l’occurrence la conjoncture, suit une trajectoire plus ou moins rectiligne. Ce qui n’exclut pas que parfois il ralentisse son pas. Ou l’accélère. Son chien par contre, alias la Bourse, adore prendre ses distances et cultiver l’illusion de la liberté : il est parfois devant, parfois derrière. Mais finalement tout le monde se retrouve à la maison.

Que disent les chiffres ? 

Test-Achats invest magazine, dans son édition de ce mois de juillet, a fait le calcul. Globalement, c’est-à-dire en se fondant sur le MSCI World, l’indice boursier mondial, les marchés boursiers ont perdu environ 5 % en mai. L’adage serait-il correct ? Non, parce qu’en juin le même indice MSCI World a gagné « un petit 4 % ». Vendre fin mai aurait donc été vendre à perte. Et le Bel 20 ? Il a baissé de 7,8 % en mai puis regagné 3,7 % en juin. Pas de quoi se tordre les mains d’angoisse. En décembre 2018, le même Bel 20 a perdu 8 % et personne n’a invoqué l’intervention du Père Noël ou la légitimité de tel ou tel dicton.

Il est irritant de constater qu’un adage comme « sell in may » revienne chaque année avec insistance – ce qui, heureusement, ne veut pas dire qu’il est suivi – alors que des gestionnaires de fonds talentueux s’époumonent à répéter qu’ils ne veulent pas « des spéculateurs qui s’attendent à ce que nous devinions les mouvements à court terme sur les marchés, chose que nous ne sommes pas capables de faire » (Thomas Row Price Jr). Warren Buffett, autre talent incontestable, n’en est pas à un conseil près. Notamment celui-ci : « soyez craintifs quand les autres sont avides. Et avide quand les autres sont craintifs ». Quant à Jim Rogers, il préfère recourir à l’image : « le pêcheur qui ne cesse de relancer sa ligne augmente-t-il ses chances de prise par rapport à celui qui attend patiemment que le poisson morde ? Une fois que vous avez défini la stratégie qui vous correspond, vous devez avant tout faire preuve de patience ».

Votre serviteur est cependant convaincu qu’il s’inquiète pour rien. Vous n’avez sûrement pas vendu en mai. Vous êtes trop malins pour ça.

Jean Blavier.

(1) Voir L’Echo du 25 mai dernier.

(2) Un « marronnier » est un article de presse consacré à un événement récurrent et prévisible (Wikipédia).