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Voici une 3ème série de 5 questions que se posent beaucoup d’investisseurs. Par Mikael Petitjean

<b>Voici une 3ème série de 5 questions que se posent beaucoup d’investisseurs</b>. Par Mikael Petitjean
09/04/2020

Comme promis, voici une 3ème série de 5 questions que se posent beaucoup d’investisseurs et auxquelles a répondu notre Chief Economist, le Professeur Mikael Petitjean (UCL & IESEG). Nous continuerons à vous informer au fur et à mesure de l'évolution de la situation. 

1. Vous avez fait passer le message que les investisseurs ne devaient pas vendre. Or certains le font. Maintenez-vous votre point de vue ?

C’est le mien et, sans prétention aucune, celui de Warren Buffet - parmi tant d’autres. Ceux qui crient à la fin du monde sont souvent ceux qui n’ont jamais rien investi en Bourse. Ou qui l’ont fait par le passé en achetant lorsque les cours sont proches de leur sommet et en vendant lorsque les cours sont proches du plancher. Il faut se déconnecter de ce que les moutons savent très bien faire : suivre le troupeau. Warren Buffet écrivait qu’il fallait avoir peur lorsque tout monde était avide et être avide lorsque tout le monde avait peur. Actuellement, il s’agit de combattre ses peurs pour continuer à investir le plus régulièrement possible. Certains charlatans vous conseillent de vendre maintenant pour racheter plus bas plus tard. Si c’était aussi facile, la durée de vie des fonds spéculatifs gérés par des professionnels ne serait pas de 4 ans en moyenne. Quand on ambitionne de suivre ce genre de stratégies spéculatives, on rachète souvent trop tard, en ratant la remontée des cours qui peut être brusque et s’opérer sur quelques jours.

2. Le Bel 20 a plongé de 40 %. Il tente de remonter - il a repris 20 % environ - mais, même s’il revient à son cours d’avant la crise, environ 4.100 points, il ne sera toujours pas revenu à son niveau d’avant la crise financière de 2008, soit 4.750 points. Explication ?

Le Bel 20 est un indice qui n’en est plus vraiment un. En 2008, l’indice Bel 20 s’est littéralement effondré, en raison notamment de sa forte dépendance à l’égard des holdings, du secteur bancaire et des assurances. Un investisseur qui détenait le BEL 20 en 2008 était essentiellement investi dans le secteur de la banque-assurance, pour environ 70% de son portefeuille si ma mémoire est bonne. C’est trop. A contrario, les activités économiques de vente de gros et de détail sont sous-représentées dans le BEL 20. A titre personnel, je n’ai jamais eu d’exposition au BEL 20 dans mon portefeuille. J’ai choisi le CAC 40 à la place.

3. Les valeurs immobilières sont généralement considérées comme des valeurs refuge. Or les cours des sociétés immobilières réglementées (SIR) se sont effondrés, Cofinimmo par exemple a perdu 30 %. Pourquoi ?

Les valeurs immobilières cotées en Bourse restent des actions, même si elles offrent également des caractéristiques propres aux obligations, par exemple une certaine stabilité des dividendes. Mais dans des périodes agitées comme celle que nous traversons actuellement, ces valeurs n’échappent pas aux fortes variations de prix qui sont plutôt propres aux actions. Ceci dit, Cofinimmo n’est pas la société immobilière la plus risquée dans ce secteur : elle a orienté ses investissements dans l’immobilier de santé, qui est plus défensif. Les sociétés immobilières les plus risquées sont celles qui dépendent davantage du taux d’occupation des hôtels. Dans l’environnement actuel où le tourisme est au point mort, l’impact sur leurs revenus est très significatif.

4. Faut-il craindre pour les dividendes ? Certaines sociétés ont déjà annoncé qu’elles le supprimaient…

Il y aura des dividendes qui seront effectivement perdus, c’est certain. Les entreprises les plus fragiles seront contraintes de couper leur dividende, les plus fortes pourront en reporter le paiement. En règle générale, on constate que la chute des dividendes pour les grandes entreprises est moins forte que la baisse de leur cours, ce qui les rend plus attractives à un moment donné pour les grands fonds d’investissement qui se remettent alors à l’achat. Notez également qu’un dividende qui n’est pas versé aux actionnaires est réinvesti dans l’entreprise. Si cette entreprise parvient à utiliser ces apports de liquidités pour les réinvestir intelligemment, sa valeur peut très bien être supérieure à celle qu’elle aurait atteint en versant le dividende. Là où il y a des difficultés, il y a toujours des opportunités.

5. Quel est l’effet de la baisse du prix du pétrole (environ 20 %) sur l’économie ? Positif ? négatif ?

Positif. C’est un gain de pouvoir d’achat pour la population et les entreprises. Il y a un nouvel « alignement des trois planètes » qui se met en place, soit une politique monétaire qui n’aura jamais été aussi accommodante, une politique budgétaire expansionniste, particulièrement en Allemagne, et un pétrole bon marché. Ces facteurs sont les meilleurs amortisseurs et les meilleurs outils de relance que l’on puisse imaginer. Notons néanmoins qu’un prix du baril aussi bas est une mauvaise nouvelle pour le secteur pétrolier, en particulier pour le secteur de l’extraction de pétrole et de gaz par fracturation hydraulique aux Etats-Unis. Avec un baril à 20 dollars, ce secteur est voué à disparaître. Il n’est pas étonnant que Donald Trump soit intervenu il y a quelques jours en faisant grimper les prix de plus de 30 %.

Frédéric Van Halteren et Jérémie Pulinx