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Que penser des 100 premiers jours de la présidence américaine ?

<b>Que penser des 100 premiers jours de la présidence américaine ?</b>
19/05/2021

"Joe l'endormi" ou "Joe le somnolent". C’est le surnom que l’ancien président Donald Trump avait donné à son rival. Force est de constater qu’il s’est trompé sur toute la ligne. Alors que l’imaginaire des plus seniors d’entre nous avait été plutôt marqué par la petite souris Gonzalez, ce sera désormais « Speedy Joe » qui restera gravé dans la mémoire des plus jeunes. 100 jours, cela représente moins de 7 % du temps pour lequel il a été élu ; il n’aura pas trainé. 

L'approvisionnement en vaccins et l'accélération de la vaccination nationale sont deux succès indéniables. En 100 jours, plus de 200 millions de doses ont été administrées aux États-Unis et le nombre de décès quotidiens liés au Covid est passé de 4 000 à moins de 1 000. L'économie américaine est parvenue à limiter la casse et à redémarrer bien plus vite qu’en Europe, en dépit de tout ce qu’on avait pu prédire de ce côté-ci de l’Atlantique.

Au cours de ces cent jours, le président a également établi trois plans. Doté de 1.900 milliards, le premier plan de relance conjoncturelle, adopté par le Congrès, a pour objectif de faire converger l’économie vers sa trajectoire d’avant la crise sanitaire. Son objectif est de corriger l’impact du choc négatif. Le deuxième plan sur les infrastructures, doté de 2.000 milliards, doit faire basculer l’économie sur une trajectoire de productivité plus élevée capable de créer davantage d’emplois, de dégager des revenus plus importants, de satisfaire aux engagements sur le climat mais aussi d’être capable de lutter pied à pied avec la Chine. Ce plan prévoit en particulier d’injecter 620 milliards de dollars dans les transports, permettant de moderniser plus de 32 000 kilomètres de routes et autoroutes, et de réparer quelque 10 000 ponts à travers les Etats-Unis. Le troisième plan porte sur la santé, l’éducation pour accompagner la hausse de la productivité, et la lutte contre la pauvreté qui passe par une réduction des inégalités dans la distribution des revenus.

On voit à quel point le gouvernement fédéral voit son rôle s'élargir, l’objectif étant de résoudre des problèmes intérieurs. Même si le financement de ces plans sera partiel, il y a une volonté marquée d’augmenter les impôts sur les sociétés et les plus riches pour payer une partie du coût de ces initiatives. Il reste à voir dans quelle mesure cet agenda peut être réalisé étant donné l’équilibre précaire au Congrès, et surtout dans quelle mesure ces trois plans doivent être tous immédiatement lancés, alors que l’économie américaine a déjà redémarré, bien plus vite et plus fort que l’économie européenne.

En matière de politique étrangère, Biden repositionne son pays au centre du multilatéralisme. Il a ramené les États-Unis au sein de l'Organisation mondiale de la santé et de l'accord de Paris sur le climat. Son administration s'efforce également de relancer l'accord nucléaire de 2015 avec l'Iran. Biden a déjà accueilli le Premier ministre japonais Yoshihide Suga à Washington et effectuera son premier déplacement en Europe en juin 2021 pour le sommet du G7. Aucune troupe américaine ne sera retirée d'Allemagne, ce que Trump avait annoncé vouloir faire. L'administration Biden a fait des droits de l'homme une pièce maîtresse de sa politique étrangère, critiquant régulièrement la Russie et la Chine, sanctionnant le Myanmar et publiant un rapport qui tient le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman pour responsable du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

Il y a néanmoins beaucoup points de convergence entre Biden et Trump. Le retrait des forces militaires de l'Afghanistan n’a été retardée que de quelques mois, de mai à septembre. C’est la continuité également envers la Chine, en ce qui concerne les droits de douane, les contrôles à l'exportation, la présence de navires de guerre américains en mer de Chine méridionale, la condamnation des actions chinoises au Xinjiang, et le maintien des contacts de haut niveau avec Taïwan. Il n’y pas non plus d’avancée sur le plan du commerce international. Le slogan "acheter américain" est encore omniprésent. On le voit : en quatre ans, le « clown » Trump, comme l’a surnommé Biden durant la campagne présidentielle, aura laissé une empreinte beaucoup plus forte sur les Etats-Unis qu’on aurait pu l’anticiper lors de son investiture. Le Président Biden, lui aussi, ferait mieux de revoir les surnoms dont il affuble ses rivaux.