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La récente baisse de l'indice CAC 40 a suscité de nombreuses interrogations parmi les investisseurs.

<b>La récente baisse de l'indice CAC 40</b> a suscité de nombreuses interrogations parmi les investisseurs.
17/06/2024

La récente baisse de l'indice CAC 40 a suscité de nombreuses interrogations parmi les investisseurs. Le professeur Mikael Petitjean, Chief Economist chez Waterloo Asset Management, offre une analyse de cette situation. En examinant la performance historique de l'indice, les impacts des événements politiques récents, et les dynamiques économiques sous-jacentes, il nous aide à comprendre les véritables causes de cette baisse et ses implications futures. Son analyse met en perspective l'importance relative des facteurs nationaux et internationaux et évalue les répercussions potentielles sur l'économie et les marchés financiers français.

Quelle est votre analyse de la baisse du CAC 40 de ces derniers jours ?

Il faut relativiser la baisse actuelle du CAC 40. Au cours des 1000 derniers jours de bourse, et en incluant la correction actuelle, l’indice du CAC 40 a enregistré une progression de 51%, contre 39% pour l’indice allemand du DAX. La surperformance de l’indice du CAC avait d’ailleurs été particulièrement forte en 2021 grâce à l’excellent positionnement sectoriel de l’indice dans lequel l’énergie et le luxe pèsent fortement. Le décrochage du CAC face au DAX depuis le début de l’année est d’environ 7 %, mais il est entièrement dû aux résultats des élections européennes et surtout à la décision de dissolution.

À quoi attribuez-vous principalement cette chute ?

Cette baisse est précisément liée à la dissolution ,par le Président français Emmanuel Macron, de l’assemblée nationale. Personne ne l’avait sérieusement anticipé. Or, les marchés détestent l’incertitude, qu’il s’agisse de la France ou de n’importe quel autre pays. Le président Macron tente de forcer la constitution d’un gouvernement d’union nationale, allant de la gauche à la droite républicaine. Étant donné la décomposition du parti LR et la reconstitution d’un « Front populaire », le pari est extrêmement risqué et la démission du Président après les élections législatives n’est plus à exclure. Ce n’est pas tant la montée au pouvoir du RN qui fait trembler les marchés. C’est l’incertitude liée à une décision prise sans grande concertation. Néanmoins, si le RN arrive au pouvoir, il a déjà fait comprendre qu’il ne reviendra pas sur la réforme des retraites du président Macron. Certes, il aura tendance à être dépensier pour plaire à son électorat en vue de l’élection présidentielle, mais la majorité présidentielle n’a pas fait mieux. Tout comme le parti de Giorgia Meloni, le RN sera également confronté aux contraintes fixées au niveau européen. C’est particulièrement important étant donné le positionnement « antieuropéen » du RN. Si ce parti arrive au pouvoir, l’instabilité sera avant tout dans la rue. Sur le plan économique, il y aura sans doute plus de continuité qu’on ne le pense. Le réel séisme serait l’arrivée au pouvoir de l’extrême gauche, ouvertement antisémite et anticapitaliste, mais ce scénario est très improbable.

Pensez-vous que les problèmes politiques exercent une influence significative sur les marchés financiers ?

Le facteur lié à la politique nationale est un facteur de second ordre. Il l’est d’autant plus que les entreprises cotées en bourse ne sont pas des petites et moyennes entreprises qui dépendent presqu’exclusivement de décisions prises par les autorités nationales. Pour ne prendre qu’un exemple, environ 25 % du chiffre d'affaires de LVMH en 2023 a été généré aux États-Unis. C’est 30% en Asie, sans même compter le Japon qui représente 7%. La France représente 9% du chiffre d’affaires de LVMH, soit une part légèrement supérieure à celle du Japon. Les décisions prises par le gouvernement français à l’égard des multinationales françaises sont beaucoup moins importantes que celles qui pourraient être prises en Chine ou aux États-Unis.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le président Macron avait rétropédalé en 2019 lorsque Donald Trump avait menacé d'imposer des taxes sur les exportations de vin français en réponse à la taxe numérique française. Macron avait initialement introduit une taxe de 3 % sur les revenus générés par les services numériques des grandes entreprises technologiques, principalement américaines comme Google, Amazon et Facebook. En réaction, Trump avait menacé de mettre en place des tarifs de rétorsion pouvant aller jusqu'à 2,4 milliards de dollars sur les produits français, notamment le vin. Face à cette menace, et sous la pression des producteurs de vin français, Macron a décidé de suspendre l'application de la taxe numérique.

Est-ce que les incertitudes politiques actuelles en France pourraient avoir des répercussions durables sur l'économie et les marchés financiers, et si oui, de quelle manière ?

La pression des marchés va surtout s’exercer sur la dette de l’Etat français dont l’écart de taux à 10 ans avec l’Allemagne a presque doublé en quelques jours. Il est passé de 48 points de base à 80 points de base. Cet écart est désormais plus grand que celui entre le Portugal et l’Allemagne ou entre la Belgique et l’Allemagne. Mais ni le Portugal, ni la Belgique, ni la France n’est un emprunteur risqué. La Finlande et l’Autriche, qui ont une gestion plutôt conservatrice de la dette, affichent un écart de taux de 60 points de base environ. Au vu de la dissolution qui était inattendue, une pénalité de 20 points de base par rapport à ces pays n’est pas une catastrophe. En guise de comparaison, l’écart de taux entre la dette italienne à 10 ans et celle de l’Allemagne est actuellement égal à 158 points de base. Par ailleurs, à la veille de la formation du gouvernement Di Rupo en Belgique en décembre 2011, à la suite d’interminables négociations qui avaient pris plus de 500 jours, l'écart de taux à 10 ans entre la dette belge et la dette allemande avait atteint de 366 points de base.
Les tensions sur la dette peuvent perdurer jusqu’à la formation d’un gouvernement. On ne peut pas exclure la démission du président qui, sans alternative possible, refuserait de nommer un premier ministre du RN, mais il faut dans le même temps souligner que l’attractivité de la France est bien meilleure qu’elle ne l’était sous la présidence de François Hollande. La gestion de la dette a été calamiteuse sous la présidence Macron, mais elle l’est depuis le milieu des années 1990, à la différence notable près que la France est redevenue attractive aux yeux des investisseurs internationaux et l’innovation y est plutôt dynamique. Même si le RN n’est pas le parti de Giorgia Meloni, il existe plus de points communs que de divergences. Or, l’indice FTSE MIB, équivalent du CAC 40 en Italie, a progressé de 51 % depuis la prise de pouvoir de Giorgia Meloni, contre 24 % pour le CAC 40 et 41 % pour le DAX allemand. Les marchés boursiers craignent l’incertitude et elle provient avant tout des partis extrémistes anticapitalistes. Ce n’est pas le cas du RN.