Le blog de Jean Blavier

Les revenus immobiliers sont dans le collimateur du fisc par J. Blavier

<b>Les revenus immobiliers sont dans le collimateur du fisc</b> par J. Blavier
11/09/2019

Le mode de taxation à la belge sur la base du revenu cadastral indexé et augmenté de 40 % a été condamné par l’Europe. Ce qui s’annonce n’est guère réjouissant.   

Le magazine Trends Tendances a fameusement secoué le cocotier l’autre semaine en titrant « Le fisc veut taxer vos biens immobiliers à… 50 % ! » La menace est réelle, mais… pas neuve. L’article 37 du Code des impôts sur les revenus (CIR) est à la disposition du fisc pour déterminer si certains revenus généralement considérés comme privés peuvent être considérés comme professionnels : "sans préjudice de l’application des précomptes, les revenus des biens immobiliers et des capitaux et biens mobiliers, sont considérés comme des revenus professionnels lorsque ces avoirs sont affectés à l’exercice de l’activité professionnelle du bénéficiaire desdits revenus."
Toute la question est de savoir si les loyers que touche le multipropriétaire privé de ses biens à caractère résidentiel présentent un caractère professionnel, auquel cas ils s’ajoutent aux autres de la personne concernée et sont taxés au taux marginal, ce qui le plus souvent se traduit par un impôt de 50 %.

Simple et rusé

Comment peut-on en arriver là ? C’est aussi simple que rusé de la part du fisc. Le revenu que tire un propriétaire privé d’un logement où le locataire n’exerce aucune activité professionnelle est taxé via le précompte immobilier et ses additionnels sur la base du revenu cadastral du bien concerné, préalablement indexé (x 1,8230 pour les revenus de 2018) et augmenté de 40 %. C’est un modèle bancal, les revenus cadastraux, qui sont censés rendre compte de la valeur locative des logements, n’ont plus été revus depuis… 1975. Ce serait drôle si ce n’était pas tragique.

On ne peut s’empêcher de penser que c’est, fût-ce indirectement, le caractère désuet de ce mode de taxation qui permet au fisc, sur la base de l’article 37 du CIR, d’estimer unilatéralement quand les revenus immobiliers d’un propriétaire privé présentent un caractère professionnel. Unilatéralement et arbitrairement parce que si certains contribuables potentiellement taxables ne le sont pas, d’autres ont fort à faire pour convaincre le fisc que leur activité n’a rien de professionnel. Il n’y aurait plus de discussion possible si ces revenus étaient tout simplement taxés au taux marginal après déduction des charges bien sûr, par exemple les frais de rénovation.

Revenons à l’article 37 du CIR et prenons un exemple. Monsieur Durand possède un petit immeuble comptant cinq appartements. Il en assure la gestion lui-même. L’article 37 du CIR permet au fisc – qui ne va pas s’en priver - de considérer que les revenus générés par cette propriété présentent un caractère professionnel. Les loyers nets, après déduction de ses charges, que touche Monsieur Durand sont donc ajoutés à ses autres revenus et taxés au taux marginal. Quel est le critère retenu ? On ne sait pas trop. Le nombre de biens ? Le montant total des loyers perçus ? Le fait que Monsieur Durand s’occupe de la gestion ? Les trois ? C’est la porte ouverte à l’arbitraire. Et c’est rusé de la part du fisc parce que ça lui permet de taxer ces revenus sans avoir à attendre une réforme de la fiscalité immobilière déjà plusieurs fois remise aux calendes grecques. Mais les choses pourraient changer.

Logement familial et seconde résidence

Cet été, une rumeur a circulé qui prête au fisc l’intention de considérer qu’à côté de son logement familial et d’une éventuelle seconde résidence, le propriétaire privé qui met des biens résidentiels en location doit être taxé au taux marginal sur la base de ses loyers nets réellement perçus. Adieu précompte immobilier et revenu cadastral. Ce n’est qu’une rumeur, mais certains constatent avec quelque appréhension que petit à petit les pièces du puzzle se mettent en place. Comme cela se fait dans plusieurs pays voisins et avec le consentement de certains professionnels. Des économistes de renom comme Etienne de Callataÿ et Geert Noels ainsi que le fiscaliste Michel Maus ne s’en cachent pas : la taxation des revenus locatifs réels est inévitable - la Belgique y est contrainte, elle a été condamnée par l’Europe – et elle pourrait fort bien être instaurée par le prochain gouvernement.

Reste la question des plus-values. Comme on sait, la Belgique est un des rares pays à ne pas taxer les plus-values, notamment immobilières. Cela pourrait ne pas durer. L’avocat Thierry Litannie met en garde : « à partir du moment où le fisc considère que vos revenus immobiliers sont des revenus professionnels, rien ne l’empêche de considérer aussi que les plus-values que vous réalisez lors de la vente d’un ou de plusieurs biens sont aussi des revenus professionnels ». Dans le meilleur des cas, le contribuable concerné serait taxé à 16,5 % (le tarif pour la plus-value issue de la revente d’un bien immobilier dans les 5 ans de son acquisition), dans le pire des cas il écoperait du taux de 33 % qui frappe ce que le fisc considère comme de la spéculation et dans le pire des pires des cas il serait taxé au taux progressif de l’impôt des personnes physiques (IPP). Brrrr..