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Analyse de l’impact de la crise COVID19 sur les marchés financiers

Analyse de l’impact de la crise COVID19 sur les marchés financiers
10/07/2020

Le premier semestre de cette année 2020 restera gravé très longtemps dans nos mémoires tant il fut exceptionnel à bien des égards. Dans ce cadre,il nous a semblé intéressant de revenir sur l’impact de la crise COVID 19 sur les marchés financiers et plus particulièrement sur les deux grandes classes d’actifs que sont les marchés d’actions et d’obligations.

MARCHE DES ACTIONS

Les marchés boursiers ont enregistré un second trimestre tout aussi extraordinaire que le premier, mais en sens inverse, fort heureusement. Le conseil que nous avions fermement défendu au début de cette crise s’est révélé extrêmement judicieux : garder son sang-froid n’aura sans doute jamais autant rapporté en aussi peu de temps. Avouons-le : c’est un soulagement. Seul un second confinement pourrait nous obliger à refaire un tour sur les montagnes russes.

En prenant un peu de recul, l’histoire de l’Humanité n’est en fait qu’une succession d’essais et d’erreurs. Fort heureusement, nous apprenons de nos erreurs, lentement mais surement. Les autorités publiques ont tiré les leçons de ce confinement et même les personnes les plus démunies de bon sens peuvent apprendre à porter correctement un masque et à garder leur distance.
 
Dans tous les cas, quel que soit l’avenir, personne ne peut réécrire le passé : le scénario en « V » a clairement été validé si l’on considère les indices du S&P500 et du NASDAQ aux Etats-Unis. L’indice S&P500 a presque retrouvé son niveau du début de l’année mais c’est surtout la performance du NASDAQ qui est impressionnante. Plus personne ne peut d’ailleurs contester l’écrasante victoire de « l’économie digitalisée » sur « l’économie industrialisée » : une victoire par « knockout » au premier round. L’indice du NASDAQ qui symbolise « la nouvelle économie », a enregistré une progression de 30% environ au second semestre et il est en hausse de 22% depuis le début de l’année. Quant à l’indice du Dow Jones Industrial Average qui lui regroupe 30 actions plus traditionnelles, il est… en baisse de 9% depuis le début de l’année. En l’espace de 6 moins, l’écart entre ces deux indices a donc atteint près de 40%. C’est du jamais vu. Pour la première fois dans l’histoire boursière, les actions de la « nouvelle économie » ont joué le rôle de valeurs refuges, presque 20 ans jour pour jour après le début de l’explosion de la bulle des valeurs internet précisément sur la bourse du NASDAQ.

Les deux autres indices boursiers qui sont dans le vert depuis le début de l’année sont les indices phares de la bourse du Danemark et de la bourse de Shangaï en Chine. Les marchés sont plus rationnels qu’on ne le pense car ces gouvernements sont parmi ceux qui ont le mieux maîtrisé la propagation du virus. La hausse de leur bourse est de 12% environ. De l’autre côté du spectre, parmi les bourses les plus affectées, on compte la bourse d’Athènes et celle de Madrid, avec des chutes de 32% et 23% respectivement. Il y aura effectivement beaucoup moins de touristes durant cet été et on sait à quel point les économies de ces deux pays en dépendent. Quant à l’indice BEL20, son rebond au cours des trois derniers mois est équivalent à celui du CAC40 mais sa chute depuis le début de l’année est limitée à 14% contre 18% pour le CAC40.

Etant donné la surperformance du NASDAQ que nous venons de souligner, la question que beaucoup d’investisseurs se posent actuellement est de savoir si ce marché boursier est cher, en particulier les valeurs technologiques dont il dépend fortement. L’abondance de liquidité créée par les Banques Centrales peut effectivement conduire à des bulles dans les cours boursiers, en particulier sur les valeurs technologiques aux Etats-Unis. Force est de constater que le rapport entre les cours et les bénéfices apparaît élevé étant donné la mauvaise performance attendue des bénéfices en 2020 et 2021. Néanmoins, la tendance à long terme des bénéfices par action reste fortement à la hausse, en particulier pour les GAFAM (Google-Amazon-Facebook-Apple-Microsoft) mais aussi pour le NASDAQ dans son ensemble. Les bénéfices par action sur le NASDAQ sont 3,5 fois plus élevés qu’il y a 10 ans. Si la croissance de long terme des bénéfices persiste et que le Covid n’entraîne pas de modifications structurelles dans la croissance économique sur le long terme, les actions du Nasdaq n’apparaissent pas surévaluées, sauf pour deux actions, Amazon et Facebook, qui affichent un rapport entre le cours et le bénéfice égal à… 130 et 250 fois les bénéfices. C’est évidemment trop cher mais, tant que vous avez des investisseurs myopes, disposés à acheter à n’importe quel prix, la hausse peut parfois perdurer.

MARCHE DES OBLIGATIONS

Les marchés obligataires ont été secoués tout autant que les marchés des actions, ce qui justifie doublement l’injection massive de liquidités par les Banques Centrales. Elles auront agi très rapidement et de manière coordonnée, tout en étant relayées par des plans de relance budgétaire impressionnants. Le S&P 500 a rebondi de plus de 40% par rapport aux plus bas enregistrés à la fin mars, malgré la pandémie, des taux de chômage à deux chiffres, une chute de la production manufacturière, et bien d’autres facteurs tout aussi déprimants qu’il serait trop fastidieux d’énumérer.

Jusqu'à la fin avril, les obligations du Trésor américain ont joué leur rôle défensif classique, enregistrant des gains sur toutes les échéances, particulièrement à l'extrémité longue de la courbe. Les obligations à 20 ans ont effectivement progressé de 23% entre le début de l’année et la fin avril. Depuis lors, c’est le contraire : elles ont chuté de 4%.

Est-ce le début de la fin pour le marché obligataire ? Laissons ces prédictions aux gourous qui vocifèrent d’autant plus que la peur se manifeste sur les marchés. Il y a deux constats que personne ne peut contester. En premier lieu, ces variations croisées entre marchés des actions et marchés obligataires montrent que la diversification de portefeuille joue un rôle majeur : lorsque les actions dégringolent, les obligations d’Etat jouent leur rôle d’amortisseur et, lorsque la peur panique fait place à la raison, les actions absorbent les forces que les obligations d’Etat perdent dans le même temps. En second lieu, les marchés obligataires restent orientés à la hausse cette année. Aux Etats-Unis, l’indice iShares 20+ (NASDAQ: TLT) qui caractérise la performance des obligations du Trésor américain à 20 ans (ou plus), reste en hausse de plus de 18% depuis le 1er janvier. Quant aux obligations de 7 à 10 ans, elles sont en hausse de plus de 9,6% (NASDAQ : IEF). C'est inévitable : lorsque la Fed écrase ses taux et que le monde s'attend à ce que les conditions économiques restent déprimées pendant une longue période, les investisseurs se réfugient sous le parapluie obligataire, poussant les taux actuariels encore davantage à la baisse.

Tant que l'inflation reste modérée, le risque d’une méchante correction sur le marché obligataire reste limité mais il n’est pas nul. Les prix du pétrole ont rebondi au cours du dernier mois ; les prix des denrées alimentaires ont également grimpé ; les salaires sont orientés plutôt à la hausse puisque ce sont surtout les emplois à faible qualification et à bas salaire qui sont supprimés. En réalité, l’effet naturellement déflationniste de la pandémie est contrecarré, notamment par l’agressivité des politiques monétaires et budgétaires.

Si le marché des actions voit juste quant à l’amélioration des perspectives économiques en 2021, des anticipations inflationnistes plus fortes que prévu pourraient faire remonter les taux, et donc faire baisser les prix des obligations, plus rapidement que prévu. Même si l'économie ne revient qu’à 90% de ses capacités d’avant crise, les stimuli budgétaires et monétaires sont tellement forts que les pressions inflationnistes pourraient perdurer. Un retour des tensions aux États-Unis et en Chine pourrait également faire rebondir l’inflation importée.

Si l’inflation fait son retour, les banques centrales ne risquent-elles pas de remonter les taux ? Sans doute, mais elles attendront le plus longtemps possible avant de le faire puisque l’inflation permet de rendre les taux d’intérêt réels encore plus négatifs qu’ils ne le sont actuellement, allégeant ainsi le poids des dettes publiques qui ont malheureusement retrouvé leur niveau d’après-guerre. Le contribuable ne s'en plaindrait certainement pas car des taux d’intérêt réels encore plus négatifs permettraient d'éviter des plans de rigueur budgétaire qui se traduisent plus souvent par des hausses d’impôt que par des coupes dans les dépenses publiques.

Quelle que soit la vraisemblance de ces hypothèses, le marché obligataire n’est pas exempt de tout risque et une manière de se protéger contre un rebond de l’inflation consiste à réduire la « duration » sur son portefeuille obligataire, ce qui implique des investissements dans des maturités plus courtes. Une autre est d’accepter de prendre des risques sur un autre marché : celui des actions. C’est sans doute une raison supplémentaire qui explique le rebond des actions. Les rentiers sont contraints de se tourner un peu plus vers le marché des actions s’ils ne veulent pas s’appauvrir sur le long terme.