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Revue trimestrielle des marchés - Quatrième trimestre 2022

<b>Revue trimestrielle des marchés</b> - Quatrième trimestre 2022
13/01/2023

Le choc que la remontée brutale des taux d’intérêt aura provoqué sur la poche obligataire des portefeuilles diversifiés en 2022 restera dans les annales boursières. Il faut remonter jusqu’à la fin du 18ème siècle pour observer une déroute similaire sur ce marché aux Etats-Unis. Toutes les grandes banques centrales, sauf en Chine, auront mené des politiques monétaires restrictives diamétralement opposées à celles qu’elles avaient menées depuis plus d’une dizaine d’années, une période suffisamment longue pour faire croire aux économistes hétérodoxes, partisans de la relance par la dépense publique, que « le coût de l’argent » pouvait être maintenu en territoire négatif et maîtrisé « ad vitam aeternam ». Il n’en est rien. Les « repas gratuits » n’existent pas et le contribuable le sait depuis que l’Etat-providence existe : la gratuité publique se finance toujours par l’impôt ou la dette. Il en va de même dans le monde des investissements. Lorsque la normalisation des politiques monétaires doit s’opérer dans la panique, sous la pression d’un choc géopolitique de nature exogène, il s’avère impossible de dissimuler son coût réel en l’amortissant graduellement dans le temps.

La correction boursière enregistrée sur le marché des actions est moins inhabituelle. Depuis 1920, il y a eu neuf corrections plus sévères sur l’indice phare du S&P500. Combinée à la forte remontée des taux, elle aura néanmoins pesé sur la performance globale des portefeuilles diversifiés. Grâce à une stratégie défensive sur les taux d’intérêt, une diversification adéquate sur le marché des actions, et une gestion avisée du risque de taux de change, le choc est resté, somme toute, contenu dans les portefeuilles de Waterloo Asset Management étant donné l’ampleur du choc exogène que nous avons traversé cette année.
Rappelez-vous qu’il y a un an, nous avions anticipé une forte volatilité sur les marchés en 2022. Vladimir Poutine y aura grandement contribué en envahissant la capitale ukrainienne et en tentant de renverser le président ukrainien. La « Blitzkrieg » qu’il a menée, a échoué et le conflit s’est transformé en une guerre de missiles et de drones. La liberté du peuple ukrainien reste préservée mais les marchés financiers sont cyniques et n’aiment guère les conflits qui s’enlisent, en particulier lorsqu’ils déstabilisent durablement les marchés de matières premières comme le gaz, le pétrole, et le blé, qui sont au cœur du fonctionnement de l’économie mondiale.

MARCHÉ DES ACTIONS

Au niveau mondial, le quatrième trimestre a enfin redonné du souffle au marché : l’indice « MSCI World » clôture sur une nette hausse, soit 9,89%, dividendes inclus. Par conséquent, celles et ceux qui ont vendu à la fin du troisième quadrimestre, sous l’effet de la panique, ont loupé un rebond d’environ 10% en 3 mois seulement. Cela démontre à quel point il ne faut pas vendre quand les marchés ont déjà bien décroché. La raison en est très simple : environ 70% des meilleurs jours boursiers ont lieu durant les 2 semaines qui suivent les pires jours boursiers.

Au regard de la hausse abrupte des taux et de la gravité des événements géopolitiques, la baisse de l’indice « MSCI World », égale à 17,73 % en 2022, reste contenue. Il faut se souvenir que cet indice avait progressé de 22,35 % en 2021 et de 16,50% en 2020. Une erreur fréquente est de ne pas investir lorsque les cours chutent, comme ce fut le cas en 2022. John Templeton (1912-2008), l’un des premiers investisseurs à avoir lancé un fonds d’investissement collectif aux Etats-Unis dans les années 1950, aimait souligner que « la seule façon d'éviter de commettre des erreurs est de ne pas investir, ce qui constitue la plus grosse erreur de toutes ». Ne pas investir, c’est la garantie de s’appauvrir, en particulier lorsque l’inflation est forte. Répétons-le : les actions sont le meilleur rempart contre l’inflation. Il convient juste de laisser du temps au temps. « Patience et longueur de temps, font plus que force ni que rage ». Cela s’applique autant à l’univers des investissements qu’aux campagnes militaires.

Il est également crucial de garder à l’esprit que les marchés financiers traversent actuellement une correction cyclique qui ne correspond en rien à une crise structurelle dont l’épicentre est traditionnellement localisé dans le secteur bancaire. Pour autant que la diversification soit appropriée et que l’allocation du portefeuille corresponde au profil de risque de l’investisseur, les corrections cycliques sont toujours des opportunités d’achat et non de vente. Nous le répétons souvent : la grande difficulté est de ne pas rejoindre les moutons de Panurge. Cela exige beaucoup de discipline car l’homo economicus est mû par l’appât du gain et surtout par la peur. La littérature académique le démontre à l’envi.

Etats-Unis

Au cours de ce quatrième trimestre, la Réserve fédérale américaine a procédé à deux nouvelles hausses de son taux directeur, de 75 et 50 points de base respectivement. Le taux directeur est actuellement entre 4,25 % et 4,50 %. Sur la seule année 2022, il y a aura eu 7 hausses de taux : 25 points de base en mars, 50 en mai, 75 en juin, août, octobre, novembre, et 50 en décembre. Il faut remonter au début des années 1980 pour observer une hausse annuelle plus forte. La Réserve fédérale a signalé qu'il faut encore s’attendre à d'autres hausses mais le taux médian attendu par les membres du comité de la Réserve fédérale à la fin de l’année 2023 est 5 %. Les anticipations dans le marché anticipent également 5 %. Cela signifie que la Réserve fédérale ne doit plus courir après l’inflation plus vite qu’elle ne le fait déjà. Nous anticipons que le taux ne devrait pas dépasser le plafond de 5,25 %. L’année 2023 devrait donc être une année de transition plus facile à gérer sur le front obligataire.

En décembre, le taux de croissance du PIB enregistré au cours du troisième trimestre sur base annualisée a été confirmé à 3,2 %, niveau plus élevé que l’estimation précédente fixée à 2,9 %. Le taux de chômage est resté à 3,7 %. 263 000 emplois ont été créés en novembre. Il s’agit de la plus faible création d’emplois depuis avril 2021. En glissement mensuel, l'indice des prix à la consommation (IPC) a progressé de 0,1 % entre le mois de novembre et octobre, ce qui marque un ralentissement. L'inflation reste élevée, à 7,1 % en glissement annuel, mais il y a fort à parier qu’on parlera beaucoup plus du ralentissement de la croissance que de la persistance de l’inflation en 2023 aux Etats-Unis. 

Les actions américaines ont bénéficié d’une plus grande lisibilité concernant la situation macroéconomique aux Etats-Unis, en particulier durant le mois de novembre. Le ralentissement dans la hausse des taux, les signes d’accalmie sur le front de l'inflation, et la robustesse des bénéfices des entreprises dans plusieurs secteurs ont permis à l’indice phare du S&P500 de clôturer le dernier trimestre de l’année sur une hausse de 7,56 %, dividendes compris et en monnaie locale. La performance annuelle reste évidemment négative, soit -18,11 %, comme indiqué dans l’avant-dernière colonne du tableau 1. Soulignons néanmoins que la hausse en 2021 avait été de 28,71 %. L’indice n’aura donc pas effacé toute la performance de 2021. Sur les deux dernières années, la performance annualisée est égale à 2,66 %, en tenant compte des intérêts composés.

L’écart de performance entre actions de « croissance » et actions de « rendement » s’est encore creusé durant le quatrième trimestre. L’indice « S&P 500 Value » a progressé de 13,59%, contre seulement 1,45% pour l’indice « S&P 500 Growth » (tableau 1). Même si les actions technologiques et de croissance se sont stabilisées durant le quatrième trimestre, la surperformance des actions de « rendement » est proche de 25 points de pourcentage sur l’ensemble de l’année 2022. Sans surprise, les actions à dividendes stables et élevés, qui caractérisent souvent les actions de « rendement », ont très bien résisté : depuis le début de l’année, le S&P « Dividends Aristocrats » n’a baissé que de 6,21 % contre une chute de 32,38% pour le Nasdaq 100 qui affiche la pire performance de tous les grands indices boursiers aux Etats-Unis. Cela s’explique par la remontée violente des taux, en particulier des taux longs, qui affecte davantage la valorisation d’entreprises dont les bénéfices sont attendus dans un avenir lointain. 

Tableau 1 : Performance des grands indices boursiers aux Etats-Unis en incluant les dividendes.


Source : Refinitiv. T4/ T3 / T2 / T1 = rendement en % au cours du quatrième / troisième / deuxième / premier trimestre. Les indices sont exprimés en dollars américains et tiennent compte des dividendes.

En 2022, les cours boursiers des petites et grandes capitalisations américaines ont suivi des trajectoires baissières similaires. L’indice Russell 2000 (- 20,44 %) enregistre une performance équivalente à celle du Russell 1000 (- 19,21%). C’est la même observation entre le S&P 500 (- 18,11 %) et le S&P 600 (- 16,10 %). D’un côté, en période de forte inflation, les grandes entreprises peuvent plus facilement faire pression sur le prix de leurs entrants et leurs activités sont plus intégrées et plus diversifiées, ce qui les expose moins à l’envolée d’un entrant en particulier. De l’autre, les grandes entreprises américaines peuvent souffrir davantage d’un ralentissement de leurs exportations dans un contexte international défavorable, comme ce fut le cas en Europe et en Chine durant l’année, en particulier lorsque le dollar s’apprécie fortement.
Comme indiqué dans l’avant-dernière colonne du tableau 2, tous les secteurs économiques auront été touchés par la crise géopolitique et l’accélération de l’inflation qui en aura découlé. Seul le secteur de l’énergie termine l’année sur une performance positive, soit 57,45 %, après une année 2021 euphorique également.

Tableau 2 : Performance des grands secteurs d’activité aux Etats-Unis.


Source : Refinitiv. T4/ T3 / T2 / T1 = rendement en % au cours du quatrième / troisième / deuxième / premier trimestre. Les indices sont exprimés en dollars américains et ne tiennent pas compte des dividendes.
Europe

Le 15 décembre, la Banque centrale européenne a relevé son taux directeur de 50 points de base, ce qui correspond à une hausse plus faible qu’auparavant. Le taux de refinancement est désormais à 2,5 % ; le taux de prêt marginal à 2,75 % et le taux de dépôt à 2 %, un niveau jamais atteint depuis quatorze ans.
La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a clairement indiqué que la BCE avait l’intention de pousser les taux à des niveaux plus élevés mais il ne faudrait pas les pousser trop haut. Étant donné la fragilité du contexte conjoncturel, augmenter trop fortement les taux d’intérêt dans la zone euro serait une erreur car l’inflation en Europe reste avant tout importée. Une augmentation des taux, conjuguée à un ralentissement de l’inflation, pourrait à nouveau accentuer les tensions sur les marchés obligataires et renforcer les préoccupations concernant la viabilité de l’union monétaire. Un nouvel affaiblissement de l’euro en serait la conséquence la plus probable, sachant que le bouclier anti-fragmentation de la BCE n’est pas encore clairement défini. Le seul moyen de désendetter la zone euro en évitant une nouvelle crise de la zone euro est de maintenir des taux réels négatifs, en laissant l’inflation à un niveau proche de 4%.

L'inflation annuelle, mesurée par l'indice harmonisé des prix à la consommation, a d’ailleurs ralenti en passant de 10,6 % en octobre à 10,1 % en novembre. Attribuer ce ralentissement à la politique de resserrement monétaire est une erreur. Il provient plutôt d’un ralentissement de l’économie lié au choc énergétique. Au cours du troisième trimestre, le PIB de la zone euro a progressé de 0,3 % en glissement trimestriel ; c’est un ralentissement net par rapport à la croissance de 0,8 % enregistrée au deuxième trimestre. Les indicateurs avancés confirment le ralentissement même si l'indice composite des directeurs d'achat a rebondi, en passant de 47,8 en novembre à 49,3 en décembre. La douceur du climat a également contribué à la baisse du prix du gaz et une hausse plus modérée des coûts.

Les pressions inflationnistes pourraient néanmoins persister pendant encore plusieurs trimestres car la zone euro accumule un retard de six mois environ sur le front de l’inflation par rapport aux Etats-Unis. Alors que la BCE a clairement indiqué sa volonté de mener une politique restrictive en 2023, elle prévoit toujours une inflation sous-jacente à 4,2 % à la fin de l’année 2023, soit encore plus du double de son objectif de 2 %. La persistance de l’inflation dans la zone euro s’explique aussi par la rigidité du marché du travail : il faut un certain temps avant qu’un ralentissement de la demande globale se traduise par une pression salariale plus faible. Dans ces conditions, le risque d’une hausse des taux non anticipée par le marché est donc plus tangible en Europe.

Les actions au sein de la zone euro ont fortement rebondi durant le quatrième trimestre (tableau 2). L’EURO STOXX 50 a progressé de 14,33 %, contre 7,56% pour l’indice américain S&P 500. Les grands indices européens, qui englobent les économies voisines comme la Norvège, le Royaume-Uni, et le Suisse, enregistrent également une meilleure performance que l’indice américain : les « FTSEEurofirst 300 » et « S&P Europe 350 » progressent de 9% environ, sans même compter les dividendes. L’euro s’est également apprécié de 7,75 % au cours du quatrième trimestre.
En dépit de la guerre en Ukraine et de la dépréciation d’environ 6,5% de l’euro face au dollar en 2022, un investisseur américain aurait mieux fait d’investir dans les plus grandes capitalisations en Europe, via l’indice STOXX Europe 50, que d’investir dans le S&P 100 ! Qu’on se le dise. La prépondérance des actions de croissance aux Etats-Unis et des actions de rendement en Europe explique ce fait remarquable.

Tableau 3 : Performance des grands indices boursiers en Europe et dans l’Union Européenne.


Source : Refinitiv. T4/ T3 / T2 / T1 = rendement en % au cours du quatrième / troisième / deuxième / premier trimestre. Les indices sont exprimés en dollars américains et ne tiennent pas compte des dividendes.

En 2022, les grandes entreprises en Europe auront beaucoup mieux résisté au choc géopolitique: l’indice « STOXX Europe Large 200 » baisse de 10,24 % contre une nouvelle lourde chute de 25,62 % pour les petites capitalisations reprises dans l’indice « STOXX Europe Small 200 » (tableau 3, avant-dernière colonne). Depuis le début de l’année, le différentiel de rendement atteint 15,59 points de pourcentage en faveur des grandes capitalisations.
L’indice italien FTSE MIB 30 clôture l’année sur une performance égale à - 13,31 %, assez proche de celle du DAX allemand (- 12,35 %). La mise en place d’un gouvernement de coalition de partis de « droite conservatrice dure », menée par la toute première Présidente du Conseil de l’histoire italienne, Giorgia Meloni, n’a pas effrayé les marchés qui ont été habitués, il est vrai, à des coalitions beaucoup plus hétéroclites dans le passé. Pour le moment, le marché considère que le risque de fragmentation de la zone euro est sous contrôle : l’écart de taux entre les obligations à 10 ans de l’Italie et de l’Allemagne reste sous contrôle, aux alentours de 200 points de base.

Au sein de la zone euro, les deux seuls indices qui ont terminé l’année 2022 en territoire positif sont ceux de la Grèce et du Portugal, deux indices qui compensent quelque peu leur décrochage observé au cours des années précédentes.

Somme toute, l’onde de choc du conflit ukrainien dans les pays limitrophes est relativement limitée. Le zloty est resté assez stable contre l’euro et l’indice WIG de la bourse de Varsovie s’est fortement redressé au cours du dernier trimestre (+ 25 %). Sa performance globale en 2022 (- 17,08 %) reste l’une des plus mauvaises en Europe mais elle n’est pas catastrophique et reste supérieure à celle de l’indice autrichien. C’est la forte dépendance de l’économie autrichienne aux importations de gaz russe qui a fragilisé ce pays. Alors que l’Autriche importait 86% de son gaz de Russie en 2021, l’Allemagne en importait 49%, contre 15 % et 14 % en France et en Belgique. Le marché hongrois fait mieux en monnaie locale (- 13,66 %) mais il ne faut pas oublier que le forint hongrois s’est davantage déprécié, d’environ 10 % face à l’euro en 2022. 

En dehors de l’Union Européenne (tableau 4), l’indice boursier d’Oslo clôture l’année en hausse (+ 2,0 %). Même si la couronne norvégienne perd 5,3% environ face à l’euro, la forte orientation énergétique de l’économie norvégienne lui a permis de résister aux conséquences de l’invasion de l’Ukraine, résultat d’autant plus notable que la Norvège, membre de l’OTAN, est un pays limitrophe de la Russie. A condition que ses capacités de production suivent, la Norvège sera sans doute le premier pays bénéficiaire de la réorientation de l’approvisionnement en gaz et en pétrole en Europe.

Tableau 4 : Performance des grands indices boursiers de pays avancés ?en périphérie de l’Europe et hors EU.


Source : Refinitiv. T4/ T3 / T2 / T1 = rendement en % au cours du quatrième / troisième / deuxième / premier trimestre. Les indices sont exprimés en monnaie locale et ne tiennent pas compte des dividendes.

L’indice SMI en Suisse a fortement déçu les investisseurs internationaux en 2022 (- 16,67 %). Sa contribution aura été très limitée sur le plan de la diversification depuis le confinement de 2020. La mauvaise performance que cet indice a enregistrée en 2022, n’est que très partiellement compensée par l’appréciation du franc suisse face à l’euro (+ 2,83%). En euros, l’indice suisse termine donc loin derrière le CAC 40 (- 9,5 %).

En dépit des erreurs de politique économique commises par le gouvernement britannique de Liz Truss, la livre sterling a mieux résisté qu’on aurait pu le penser. Elle n’a perdu que 5,36% face à l’euro. La Banque d’Angleterre a porté son taux directeur à 3,5 % et le cours de la livre en a bénéficié. Le nouveau chancelier Jeremy Hunt a profité de la déclaration d'automne de novembre pour annoncer un budget plus austère et en ligne avec la réputation de conservatisme fiscal de Rishi Sunak, ancien chancelier et nouveau premier ministre.

Il faut reconnaître que l’indice FTSE 100 du Royaume-Uni a bénéficié pleinement de sa composition sectorielle. Il est resté stable en 2022 (+ 0,91 %) et se place dans le « top 4 » de indices européens en monnaie locale. L’indice bénéficie pleinement de la performance de valeurs comme Shell, British Petroleum, BAE systems, ou Glencore. Le FTSE 100 a également été préservé de la forte baisse des valeurs technologiques. Après l’immobilier, le secteur des « techs » est celui qui pèse le moins dans l’indice. C’est l’inverse pour le « S&P 100 » aux Etats-Unis : la « tech » est le secteur le plus prépondérant ; il pèse plus de 30% dans sa composition. 

Sur le plan sectoriel en Europe (tableau 5), tous les secteurs ont été orientés à la baisse en 2022, sauf les matières premières, comme le pétrole et le gaz (+ 24,43 %) et les matériaux de base, comme le bois, les métaux et les autres activités minières (+ 4,27 %). Les performances de ces deux secteurs au cours du dernier trimestre (+ 11,47 % et + 14,18 %) sont néanmoins moins fortes que celles observées dans des secteurs plus traditionnels, tels que les détaillants « retail » en alimentation (+ 20,58 %) et les banques (+ 17,91 %).

Tableau 5 : Performance des 20 grands secteurs d’activité en Europe.


Source : Refinitiv. T4/ T3 / T2 / T1 = rendement en % au cours du quatrième / troisième / deuxième / premier trimestre. Les indices sont exprimés en euros et ne tiennent pas compte des dividendes.

Asie et Océanie

En novembre, les résultats trimestriels des entreprises japonaises cotées en bourse se sont avérés une nouvelle fois solides, en particulier pour les grandes multinationales qui ont bénéficié de la faiblesse du yen. Le marché des actions au Japon a clôturé le dernier trimestre en hausse. L’indice « Topix Core 30 » qui regroupe les 30 plus grandes capitalisations boursières du Japon, a enregistré une hausse de 5,29% (tableau 6). Sur l’année 2022, la chute s’est limitée à 6,86 %, notamment grâce aux rachats d'actions annoncés depuis le début de l'année fiscale, qui ont atteint un niveau record.
L'autre événement majeur du quatrième trimestre a été la décision de la Banque du Japon d'élargir la fourchette dans laquelle elle maintient les rendements des obligations à 10 ans. Cette décision a surpris le marché et constitue, après des décennies de déflation, une première étape vers une normalisation éventuelle de la politique monétaire. Malgré une forte appréciation du yen au cours du dernier trimestre, le yen s’est déprécié de 12,75 % face au dollar au cours de l’année 2022.

En dehors du Japon, l’indice « MSCI Asia Pacific » a enfin rebondi (+ 11,68 %). Il a néanmoins chuté de 19,72 % au cours de l’année 2022, rendement qui tient compte de la dépréciation des monnaies des pays émergents face au dollar, d’environ 8,5 %. Lorsqu’on regarde en détail les différentes bourses asiatiques, elles ont toutes clôturé en hausse, sauf celle de Jakarta en Indonésie et celle de Karachi au Pakistan.
Le plus fort rebond trimestriel provient de l’indice Hang Seng de Hong Kong (+ 14,86 %), lui permettant de terminer l’année 2022 à -15,46 %, devant les indices boursiers de Taïwan ( -22,40 %) et de la Corée du Sud ( -26,15 %). Les indices chinois ont tiré profit de la volonté affichée par Joe Biden et Xi Jinping d'améliorer leurs relations lors d'une réunion précédant le sommet du G20 en Indonésie. En décembre, Pékin a également assoupli les restrictions sanitaires qui ont pesé sur la croissance économique de la Chine depuis le début de l’année 2020.
Par contre, Taïwan n’a pas pu bénéficier de cette embellie en décembre : les tensions géopolitiques restent persistantes et la baisse de la demande de produits électroniques, l'une des principales exportations du pays, se confirme.

Tableau 6 : Performance des indices boursiers asiatiques.


Source : Refinitiv. T4/ T3 / T2 / T1 = rendement en % au cours du quatrième / troisième / deuxième / premier trimestre. Les indices ne tiennent pas compte des dividendes et sont exprimés en monnaie locale, sauf l’indice MSCI exprimé en dollar américain.

Marchés émergents

Au cours du dernier trimestre, l’indice « MSCI Emerging Markets » a progressé de 9,20 % en dollar (tableau 7), en ligne avec la performance du « MSCI World ». Le ralentissement du rythme de hausse des taux aux Etats-Unis, les perspectives d’une récession moins douloureuse que prévu, et la faiblesse du dollar américain qui en a résulté, ont encouragé les investisseurs à se réorienter vers ces marchés.

Au Moyen-Orient, les indices ont souffert de la baisse des prix de l'énergie. L’indice boursier en Arabie saoudite clôture le quatrième trimestre en baisse de 8,13 %.

En Amérique latine, c’est l’indice boursier du Pérou qui se distingue ( + 9,68 %). L’indice de Sao Paolo au Brésil est resté plombé par l'incertitude politique qui a entouré l'élection du président Lula en octobre.

En Afrique, la réélection du président Ramaphosa à la tête du Congrès national africain (ANC) a bénéficié aux valeurs cotées sur la Bourse de Johannesburg (+ 16,67 %), malgré les soupçons de fraude et de violation de la Constitution.

Sur l’année 2022, l’indice « BIST 100 » de la bourse d’Istanbul a enregistré la plus forte progression boursière annuelle parmi tous les grands indices nationaux que nous suivons (+ 196,57 %). Cela fait 6 trimestres consécutifs que l’indice turc progresse, malgré une inflation supérieure à 80 %. La croissance de l’économie continue d’être robuste, poussée par une banque centrale qui n’a pas hésité à baisser son taux directeur à 9 %. Les autorités monétaires ont néanmoins annoncé la fin du cycle d'assouplissement actuel. La lire turque a perdu environ 30% de sa valeur en dollar au cours de l’année 2022.

Tableau 7 : Performance de plusieurs pays émergents hors Asie 


Source : Refinitiv. T4/ T3 / T2 / T1 = rendement en % au cours du quatrième / troisième / deuxième / premier trimestre. Les indices ne tiennent pas compte des dividendes et sont en monnaie locale, sauf l’indice MSCI (en dollar américain).

MARCHÉ DES OBLIGATIONS

Obligations gouvernementales
Au cours du quatrième trimestre, le marché des obligations aux Etats-Unis a enfin traversé une période d’accalmie (tableau 8). Les investisseurs ont accueilli favorablement le ralentissement de la hausse des taux. Leur attention se tourne désormais de plus en plus vers le risque de ralentissement de la croissance que vers celui d’une inflation persistante. Le rendement des obligations américaines à 10 ans est passé de 3,83 % à 3,88 %, et celui des obligations à deux ans de 4,28 % à 4,42 %.

Le tableau 8 montre que les rendements sur indices obligataires aux Etats-Unis se sont stabilisés au cours du quatrième trimestre, sauf les obligations à très longue échéance dont la maturité moyenne est supérieure à 20 ans (- 2.82 %). L’ampleur du mouvement sur ce dernier trimestre est bien plus limitée que durant le reste de l’année. Néanmoins, la déroute du marché obligataire est flagrante sur toute l’année. Par exemple en 2022, le rendement sur le tracker « iShares 20 Plus Year Treasury Bond », dont la maturité moyenne est de 26 ans, a baissé de 32,82 %, une chute similaire à celle de l’indice NASDAQ 100 (tableau 1). Cela montre à quel point la poche obligataire a contribué à enfoncer la performance des portefeuilles diversifiés entre actions et obligations.

Les obligations d’Etat au sein de la zone euro ont moins bien résisté qu’aux Etats-Unis car la situation macroéconomique en Europe sera plus difficile à gérer. Les derniers indicateurs de la zone signalent un ralentissement de l'inflation globale, aidé par la baisse des pressions sur les prix de l'énergie, mais Christine Lagarde, la présidente de la BCE, a clairement indiqué qu’elle comptait mener une politique restrictive en 2023. La zone euro traverse actuellement la période inflationniste la plus marquée depuis qu’elle existe. La BCE prévoit d’ailleurs une inflation sous-jacente à 4,2 % à la fin de l’année 2023, soit encore plus du double de son objectif. Le rendement à 10 ans de l'Allemagne est passé de 2,11 % à 2,57 %.

Tableau 8 : Performance des obligations gouvernementales (Etats-Unis, zone euro et international).


Source : Refinitiv. T4/ T3 / T2 / T1 = rendement en % au cours du quatrième / troisième / deuxième / premier trimestre. Les indices sont exprimés en dollars ou en euros.

Dans la zone euro, les indices obligataires ont sous-performé leurs équivalents américains, sauf pour les maturités les plus courtes, de 1 à 3 ans (+ 0,49 %). La performance du « iShares € Govt Bond 7-10yr UCITS ETF EUR (Dist) » (-1,46 %), dont la maturité moyenne est égale à 8,43 ans, est inférieure à celle du « iShares 7-10 Year Treasury Bond ETF » (- 0,22 %), dont la maturité moyenne est égale à 8,55 ans. On peut aussi comparer le rendement de - 2,28 % enregistré tracker « Lyxor Euro Government Bond », dont la maturité moyenne est égale à 9 ans, au - 0,18 % du tracker « iShares US Treasury Bond », dont la maturité moyenne est néanmoins plus courte, égale à 7,59 ans.

Le cours des obligations indexées à l’inflation s’est redressé quelque peu mais le tracker « iShares € Inflation Linked Govt Bd » a clôturé l’année sur une performance négative de 4,33 %. La performance reste néanmoins bien meilleure que celle des obligations non indexées pour une échéance moyenne pondérée équivalente à 9 ans environ (-15,50 %).

Au niveau international, le tracker « iShares International Treasury Bond » qui exclut les Etats-Unis, indique que la performance des marchés obligataires en dehors de la zone euro a pesé du bon côté de la balance. Le tracker clôture le trimestre sur une hausse de 6,94 %. Elle met fin à cinq baisses trimestrielles consécutives. Depuis le début de l’année, ce tracker enregistre néanmoins une baisse de 22,15 %.

Les obligations gouvernementales des pays émergents ont bénéficié de la hausse plus modérée des taux aux Etats-Unis. Le tracker « iShares JP Morgan $ EM Bond » gagne 7,08 % au cours du dernier trimestre (Tableau 9). Les titres de la dette publique des marchés émergents, émis en monnaie locale, ont mieux résisté depuis le début de l’année. En effet, le tracker « iShares JPM EM Local Gvt Bd » a baissé de 15,39 % contre 18,78% pour les dettes émises en dollar. La force du dollar a plutôt affaibli la crédibilité de gros emprunteurs en devise étrangère. 

Tableau 9 : Performance des obligations gouvernementales dans les pays émergents. 


Source : Refinitiv. T4/ T3 / T2 / T1 = rendement en % au cours du quatrième / troisième / deuxième / premier trimestre. Les indices sont exprimés en dollars. 

Obligations d’entreprises

Le « spread » de crédit, qui correspond à la différence de rendement entre obligations de même échéance mais de qualité de crédit différente, s’est resserré. Les investisseurs en obligations d’entreprises se sont moins inquiétés des conséquences du resserrement de la politique monétaire sur les perspectives d’une récession économique. En tenant compte des gains en revenu sous la forme de coupons, les obligations d’entreprise de qualité ont davantage rebondi que les obligations d’Etat, sauf pour les indices Lyxor aux Etats-Unis. 

Tableau 10 : Performance des obligations d’entreprises aux Etats-Unis et en zone euro.


Source : Refinitiv. T4/ T3 / T2 / T1 = rendement en % au cours du quatrième / troisième / deuxième / premier trimestre. Les indices sont en dollars ou en euros.

Aux Etats-Unis, les obligations d’entreprises de qualité (ou « investment grade ») ont de nouveau mieux résisté que les obligations gouvernementales de même échéance. Par exemple, le tracker « iShares 5-10 Yr Investment Grade Corporate Bd » a clôturé le dernier trimestre sur un rendement annuel égal à + 2,55 % (Tableau 10) contre - 0,22 % pour le tracker « iShares 7-10 Year Treasury Bond » (Tableau 8). 

Les prix des obligations d’entreprise notées « investment grade » ont également rebondi en zone euro. Le mouvement de hausse a été moins prononcé que celui observé aux Etats-Unis. Les performances vont de - 0,33 % à + 2,33 % (tableau 10). A échéance équivalente, ces rendements sont supérieurs à ceux enregistrés par les obligations gouvernementales en zone euro qui perdent entre - 1,23 % et - 2,03% (tableau 8). Les obligations d’entreprise notées « investment grade » en zone euro ont néanmoins moins bénéficié du resserrement des « spreads » de crédit qu’aux Etats-Unis. 

Fait marquant, les obligations d’entreprises à haut rendement (ou « high yield ») terminent l’année sur une performance légèrement supérieure à celle des obligations d’entreprises de qualité. La perspective d’une dégradation de la croissance n’a toujours pas de conséquence notable sur le risque de crédit et de faillite. A ce stade, le marché anticipe plutôt un atterrissage en douceur de l’économie américaine. Par exemple aux Etats-Unis, le tracker « SPDR Bloomberg Barclays High Yield Bond », dont la maturité moyenne est de 4,5 ans, et le tracker « iShares BB Rated Corporate Bond », dont la maturité moyenne est de 6,5 ans, ne chutent que de 5,59 % et 6,09 % en 2022 (tableau 10). Certains indices hybrides, qui incluent à la fois des obligations « investment grade » et des obligations « high yield », résistent même mieux. C’est le cas du tracker « Lyxor Global HY Sust Exposure » (- 3,59 %).

En zone euro, les obligations à haut rendement ont une nouvelle fois mieux résisté qu’aux Etats-Unis, à l’instar du tracker « Xtrackers II EUR High Yield Corp Bond », dont la maturité moyenne est de 4 ans. Ce tracker clôture le trimestre sur une hausse de 5,08 %, contre une hausse de 2,45 % pour le tracker US « SPDR Bloomberg High Yield Bond », dont la maturité est de 4,5 ans (tableau 10). Sur toute l’année 2022, l’écart est supérieur à 100 points de base, une nouvelle preuve que l’économie de la zone euro s’en sort très bien au regard de la guerre qui a lieu à ses portes.

Obligations convertibles

Les obligations convertibles en euros ont stagné et sous-performé les obligations d’entreprise traditionnelles de la zone euro. Leur hausse est particulièrement limitée ce trimestre. Elles n’auront pas fait mieux que les actions ou que les obligations d’entreprises depuis le début de l’année. L'indice « SPDR Refinitiv Global Convertible Bond » en euros, dont l’échéance moyenne est légèrement supérieure à 3 ans, progresse de 0,94 % au cours du quatrième trimestre, mais cela ne permet pas de compenser la glissade des cours depuis le début de l’année. Il chute de 20,28 %, alors qu’un tracker sur les obligations d’entreprises en euros, comme le « iShares Core € Corp Bond UCITS ETF EUR », dont l’échéance moyenne est d’environ 5 ans, perd 14,02 % depuis le début de l’année (tableau 10). 

Le marché des nouvelles émissions reste peu dynamique et le volume global des nouvelles émissions en 2022 a atteint son plus bas niveau annuel.

Monnaies

Le dollar américain s’est déprécié face à toutes les grandes monnaies internationales au cours du dernier trimestre (tableau 11). En considérant un panier diversifié de monnaies internationales, cette dépréciation est égale à 7,76 %. Sur l’année 2022 dans son ensemble, l’appréciation du dollar reste néanmoins substantielle, soit 8,51 %. 

C’est le yen qui a enregistré la plus forte dépréciation face au dollar en 2022, soit 12,75%. Il a atteint son plus bas niveau depuis presque 25 ans, lors de la crise financière en Asie du Sud-Est, liée à un excès d’endettement en dollar. Cette crise avait conduit à l’explosion des régimes de taux de change fixes. 1985. Quant à la livre sterling, elle ne fait guère mieux et clôture l’année en baisse de 10,72 % face au dollar, son plus bas niveau depuis 1985. L’euro s’est également déprécié face au dollar de 6,58 % mais il a fait de la résistance : il s’est apprécié face à toutes les autres grandes monnaies internationales, sauf le franc suisse. 

Tableau 11 : Performance des monnaies face à l’euro et au dollar américain.


Source : Refinitiv. T4/ T3 / T2 / T1 = rendement en % au cours du quatrième / troisième / deuxième / premier trimestre.

Matières premières

Le marché des matières premières enregistre une nouvelle hausse, quels que soient les indices de référence. Elle reste néanmoins contenue. Le tracker « iShares S&P GSCI Commodity-Indexed Trust » progresse de 3,16 % (Tableau 12). Les deux autres grands indices de matières premières, ceux de Refinitiv et de Bloomberg, terminent dans le vert également, en baisse de 4,59 % et 1,18 % respectivement. On perçoit des signes de consolidation mais il faudra néanmoins surveiller l’impact du redémarrage de l’activité économique en Chine et les décisions prises par l’OPEC, car le marché des hydrocarbures reste très volatil.

Les plus fortes baisses de prix sur les contrats à terme au cours du quatrième trimestre ont enfin touché le gaz (- 48,56 % sur l’ICE au Royaume-Uni et - 35,10 % sur le NYMEX aux Etats-Unis) ainsi que l’électricité (entre -50,95 % en France et -49,68 % en Allemagne).

Sur le marché du pétrole, c’est une stabilisation, sauf en Chine. Le prix du pétrole de Shanghai poursuit sa baisse (- 11,29 %) ; celui du « WTI » progresse de 0,97% et celui du « Brent » baisse de 2,17 % respectivement. 

Une évolution notable en 2022 aura été la baisse des coûts de transport, soit 31,66% sur l’année 2022. Elle marque une normalisation graduelle des circuits économiques de la mondialisation qui renaît toujours de ses cendres.
Mikael PETITJEAN

Tableau 12 : Performance des matières premières.


Source : Refinitiv. T4/ T3 / T2 / T1 = rendement en % au cours du quatrième / troisième / deuxième / premier trimestre. Les contrats à terme sont libellés en dollars.